Guy Pegere : Le Trou de l'Enfer à Valjouze 15

Guy Pegere : Le Trou de l'Enfer à Valjouze 15

Guy PEGERE

Membre de la Société Géologique de France

 

 

Titre Trou de l'Enfer mine d'Auliac manuscrit Guy PEGERE.jpg

 

Sans titre le Trou de l'Enfer Guy PEGERE.jpg

 

Le Ravin de Valjouze 15 photo Guy PEGERE.jpg avec titre.jpg

 

 

En me rendant à l’ancienne mine d’antimoine d’Auliac (canton de Massiac 15), au printemps 1973, mon attention fut attirée en chemin par des cailloux empreints de végétaux. Ceux-ci pouvaient être confondus avec des roches schisteuses de terrain houiller. Très intrigué par ces roches permo-carbonifères dans cette espace géologique volcanisé, j’entrepris aussitôt des grattages dans une butte de terre à l’étroit du chemin. Très vite, j’ai découvert les strates d’un ancien marécage, avec un niveau fossilifère résultant de la transformation en profondeur de matières végétales d’essence forestière.

 

Tout d’abord, imprégnons-nous un peu de la situation géologique et historique des lieux. L’ancienne mine d’Auliac se situe au creux d’un relief d’entablement de roches volcaniques. Son accès se fait à partir des hauteurs de Valjouze qui est la plus petite commune du Cantal : 18 habitants de nos jours (en 1870, on en recensait 170). Il y avait -de 1880 à 1954 - une activité minière constituée par une laborieuse main d’œuvre d’agriculteurs mineurs. Cela permit de retarder tant soit peu l’exode démographique de cette contrée de montagne qui ne produisait essentiellement que des récoltes d’herbages pour le bétail.

 

Trou de l’Enfer :

 

Les gens du pays que je croisais, utilisaient bien sur le terrifiant substantif que portait la ravine de Valjouze : «le Trou de l’Enfer». Ils avouaient néanmoins  ne pas en connaître les raisons… Je leur présentai alors les débris de bois brûlé, les échantillons de terre durcie empreints de poissons fossiles que je venais de trouver et leur expliquai qu’un lac avait été enseveli par des volcans. Cette constatation faite, ce lieux d’Enfer de feu n’était plus à leurs yeux une vue d’esprit obscurantiste mais bien des faits réels. Ces changements métaphoriques leur insufflaient des frayeurs de façon imagée et sonore avec les grondements assourdissants de la terre… les jaillissements de dantesques flammes les ramenaient à la vision populaire de la fin du monde selon Saint-Jean

 

La métaphore du temps :

 

Leur émoi apocalyptique passé, ils revinrent à la réalité du temps présent et d’instinct, une réflexion collective surgit : «Cela peut-il encore se produire ?...». Au risque d'amplifier leur frayeur, je leur répondis simplement : «Allez savoir» !

J’ai préféré leur retracer le volcanisme auvergnat qui date d’environ 30 millions d’années en précisant que, d’une extrémité à l’autre du Massif-Central, de Vichy au Lac de Saint-Front, on compte de 800 à 1000 anciens volcans. Tous ne sont pas perceptibles, nombreux sont dissimulés sous des coulées. Ces activités volcaniques se sont achevées avec nos ancêtres les Gaulois. D’après la légende, ils avaient peur que le ciel ne leur tombe sur la tête… Avais-je  tranquillisé mes interlocuteurs pour autant... j’en doute !

 

Entablement volcanique du Trou de l'Enfer photo Guy PEGERE.jpg
 

 

La genèse du «Trou de l’Enfer» remonte à l’ère géologique du miocène supérieur, cycle situé de 11 à 5 millions d’années. Cette période d’environ 6 millions d’années sera marquée successivement par des phases tropicales, méditerranéennes, tempérées, froides…

 

Antérieurement aux manifestations cataclysmiques produites par les volcans, les creux topographies du Cantal étaient occupées par de nombreux lacs. Les éruptions volcaniques de cendres ravageuses couvriront un nombre important de milieux biologiques naturels.

 

Une loi mathématique :

 

La géomorphologie structurale du gisement fossilifère de Valjouze se dessine dans un talweg situé à une altitude de 810 mètres. Il a une largeur de 60 à 80 mètres et une longueur de 600 mètres. Il prend une direction sensiblement N/S, sa structure dessine un relief en V. Les deux sommets transversaux de cette gouttière fossilifère se situent l’un à 973 mètres et l’autre à 984 mètres et sont séparés de 1200 mètres. Cette dépression est entourée par les édifices volcaniques : du Puy, de Larode (1114 m), du Mont Louby (1116 m) et du Montjournal (1179 m). La disparition de leur tapis végétal, dû aux éléments météorologiques, met à jour des stries de la dernière glaciation, il y a environ dix mille ans.

 

Les datations des produits éruptifs par paléomagnétisme relèvent d’études en laboratoire. Elles fournissent des enregistrements géomagnétiques conservés dans des séquences de roches volcaniques, qui donnent une échelle de temps que l’on utilise comme un outil géochronologique magmatique.

 

Mes recherches se sont effectuées sur deux points distincts du substrat sédimentaire fossilifère qui constitue les assises des coulées du versant Ouest et du versant Est. Bien que limitées à des grattages peu profonds, elles suffirent à l’évaluation de deux gisements. Le versant Ouest fournira des troncs d’arbres carbonisés et silicifiés. Le versant Est révélera un véritable herbier fossile riche en empreintes de feuilles, avec - pour surprise - la découverte d’empreintes de poissons dans des sédiments argileux lacustres qui attestent de l’existence d’un lac comblé inconnu à ce jour.

 

Succession de couches volcano-sédimentaires en aval du versant Ouest :

 

Ravin de Valjouze versant ouest  avec bordure.jpg

 

De bas en haut :

 

Le plan de solidification de la coulée Ouest montre des prismes désordonnés de roches volcaniques évoluées en boules, semblables aux pillow-lavas. Elles peuvent témoigner d'une lente déperdition thermique s’accompagnant d’une diminution de volume et d'une rétraction fissurale. La température de la lave en fusion intérieure peut varier selon sa fluidité entre 700° et 1000°c.

 

En sous-cavage de la coulée volcanique, se distingue un paléosol de 0,80 mètre d’argile noirâtre à rougeâtre compacté. Leurs différenciations de couleur proviennent de conséquences temporaires dans leurs interfaces. Le noir provient d’un milieu humide à l’abri de l’air appelé : milieu réducteur et le rouge serait dû à l’asséchement en contact avec l’air appelé : milieu oxydant. L’horizon réducteur révèlera des matières organiques constituées de branches et de troncs carbonisés, effet occasionné par l’incendie de la coulée de lave et ovalisé sous le poids de celle-ci. Certains végétaux fossiles oscillent dans des phases intermédiaires entre la houille et le lignite (le charbon a une teneur en carbone entre 70 et 93, le lignite entre 50 et 60). Ils restent toutefois des matériaux de choix dans la datation par thermoluminescence, du fait qu’ils ont été brûlés.

 

Dégagement de troncs d’arbres carbonisés et silicifiés inventaire et photo  Guy PEGERE blanc.jpg

 

Sous l’ensemble argileux, se différencie un horizon de 0,50 à 1 mètre de retombées de roches pyroclastiques. Cet agglomérat s’écoulera jusqu’au ras du sol par gravité en raison de la topographie des lieux. Les pyroclastiques sont des roches brisées, déplacées et remaniées par l’action mécanique et le feu des éruptions ; les gaz des laves d’extrême fluidité sont relâchés par compression. Elles peuvent être consolidées par un ciment ou demeurer sous forme de débris meubles.

 

Bois carbonisée et silicifiée photo et inventaire  guy PEGERE .jpg

 

Au dépôt suivant, se place un ciment très induré d’une hauteur de 3 à 3,50 mètres de palagonite de teintes ocreuses. C'est un mélange de roches d’origine volcanique produit par l'altération en interaction avec l'eau.

 

Extraction de bois fossiles dans le versant ouest du ravin de Valjouze avec Guy photoEmilia.jpg

 

Succession de couches volcano-sédimentaires en amont du versant Est :

 

De bas en haut :

 

Les grattages du versant Est ont été réalisés à l’extrémité Nord du talweg, sur un éboulis fixé par une végétation difficilement pénétrable.Il était composé dans un premier temps de roches volcaniques, suivi d’une séquence de 1,50 à 2 mètres d’épaisseur de cendres fines claires retombées en pluie, avec une déclivité stratigraphique de 4 à 5%. Nous pouvons y reconnaître un exutoire lacustre de type maar (cratère d’explosion). Les maar* ont souvent une disposition en creux au ras des plateaux basaltiques ou cristallins, cependant rien ne le certifie vraiment.

 

Dégagement d'empreintes de feuillus et de vertébrés aquatiques de la famille des Prolebias du versant Est photo Guy PEGERe.jpgre.jpg

 

Au-dessous, apparaît un horizon de 2,20 mètres d’épaisseur d’argiles brunâtres accusant un faciès de «schistes cartons» à empreintes de feuillus et de vertébrés aquatiques à branchies, issu d’une phase de climat tempéré. Ces petits poissons, comme le veut l’espèce, ont une taille inférieure à 4 centimètres, un corps trapu, une tête aplatie et des mâchoires munies de dents cuspides. Leur nageoire dorsale se situe très en arrière et leur structure vertébrale est dotée de 30 vertèbres. Ils font partie de la famille des Prolebias Goretti.

 

Fossiles de feuilles etde prolebias découvert à Valjouze 15 inventaire et photos Guy PEGERE.png

 

Parmi ces différentes empreintes d’essences forestières, on trouve : du charme, du noisetier, du chêne, de l’orme… ainsi que des squelettes de Prolebias. Leur découverte tient à une circonstance prodigieuse… obtenue par un premier coup de pic sur une fine strate argileuse de quelques millimètres, en plein milieu d’une couche épaisse de 5 à 6 mètres. Le dégagement de nombreux poissons montre un déplacement en bancs.

 

Au cours de leur dessèchement, ces roches se sont naturellement clivées en minces feuillets. Chacun indique la rythmicité des phases d’accumulations sédimentaires : en géologie, elles prennent le nom de : «varves». Ces varves lacustres de 0, 3 millimètres d’épaisseur sont néanmoins d’excellents registres, qui archivent pendant leurs accumulations annuelles, les deux principales saisons. Les claires désignent la saison d’été, les sombres plus riches en matières organiques, l’hiver.

 

 

La fosse lacustre fossilifère de Valjouze émanerait d’eaux pluviales marécageuses peu profondes. Son comblement s’est œuvré suite à l’enfouissement forestier de ses

versants, ainsi que de sa faune et flore environnantes. L’accumulation marécageuse s'est épaissie peu à peu vers une diagenèse de roches argileuses avec de délicates et fragiles empreintes de végétaux et de vertébrés aquatiques à branchies. Les Prolebias de Joursac sont considérés du miocène. Ils sont plus récents que ceux de la Limagne qui sont du stampien étagé à l’oligocène, environ 25 millions d’années.

 

Au niveau du ruisseau de Valjouze, réapparaît le bedrock, autrement dit le substrat rocheux. Il forme un replat structural dans un stade d’érosion dit de vieillesse. Existe-il des traces de sédiments lacustres dans les anfractuosités des coulées de versants qui auraient pu nous indiquer la hauteur du lac après son comblement originel ?

 

Le Cantal au temps des paysages de l’Attique (Grèce) :

 

Si la fosse fossile du «Trou de l’Enfer», à 836m d’altitude, ne semble pas avoir été indiquée, Joursac à 4 km au sud, à 870m d’altitude, est connu pour son important gisement fossilifère à mastodontes de Pikermi (Grèce). Leurs convergences sédimentologiques de faciès démontrent à l’évidence une unité chronostratigraphique et géochronologique qui pourrait établir cette même faune au ravin de Valjouze. Ces mammifères remontent au miocène supérieur et au pliocène inférieur soit environ de 10 à 1,8 millions d’années. Cette réunion d’espèces gigantesques de Pikermi est relativement étendue dans le Cantal : en 1878, Jean-Baptiste Ramès en signale une au Puy Courny (Aurillac 15).

Parmi cette faune fossile, on dénombre le : Dinotherium giganteum, Rhinocéros schleiermacheri, Hipparion gracile, Mastodonte longirostris, Tragocerus amaltheuse, Cervus. Ces ossements fossiles ont été classés dans diverses collections.

 

faune fossile de mastodontes du miocène du Trou de l'Enfer Guy PEGERE.jpg

 

O. Horon relate le gisement de Joursac dans son étude sur «Le Gisement de Diatomite de Foufouilloux (Cantal)» (B.R.G.M de 1957). Il le situe à la base d’une brèche andésitique avec une flore du miocène supérieur et une faune à mastodontes prouvant qu’il s’agit bien de sédiments pontiens rapportés au miocène- pliocène.

 

Carrière de Foufouilloux 15 photo Guy PEGERE.jpg

 

André Meynier (1901-1983), dans sa mise au point sur la géologie du Cantal, en 1965, constate que d’après les travaux de Suzanne Durand et Roger Rey (1963), la flore fossile de Joursac rajeunirait au Villafranchien, ce qui la ramène entre –5 à 1,200 millions d’années. Indiquons pour notre part, que le villafranchien sera caractérisé au début par des oscillations climatiques qui produiront les glaciations typiques du quartenaire, notamment dans le Cantal. On peut également faire une approche personnelle avec la datation spécifique des écorces des troncs dégagés sous la coulée du versant Ouest de Valjouze. Il se trouve qu’elle correspond à des résineux qui poussaient dans des climats montagneux, une similitude évidente avec l’âge de la fosse fossilifère de Joursac au villafranchien ou post-villafranchien.

 

Eléments de Discussions :

 

Dès 1834, à la croisée des anciens et des nouveaux voyageurs naturalistes, Jean-Baptiste Bouillet décrit à Joursac un important gisement de plantes fossiles. La présence de squelettes de poissons revient, en 1892, au botaniste l’Abbé Jean-Nicolas Boulay. En 1903, l’éminent paléobotaniste Aurillacois Pierre Marty, membre de la prestigieuse Société Géologique de France, s’appuie sur ses travaux pour un important mémoire sur la flore miocène, publié dans la Revue de la Haute Auvergne.

 

Extrait Flore miocène de Joursac (Cantal) 1903 MARTY Pierre (1903-1937) inventaire Guy PEGERE.jpg

 

Pour mémoire, les Prolebias offrent leurs délicats moulages, en Limagne de Clermont-Issoire, avec leur découverte dans les carrières à chaux autrefois exploitées dans les villages de Mirefleure, Ste-Marguerite, Corent, Le Puy St Romain, Perrier, La Sauvetat… Les premiers ont été trouvés à La Sauvetat, par le Naturaliste et Médecin Edouard Rodde de Chalaniat (1812-1858). Il meurt à 46 ans après avoir soigné des malades atteints de la variole, alors qu’il préparait une publication sur les poissons fossiles. Il existe une petite collection d’une cinquantaine de spécimens déposée au Musée Henri Lecoq de Clermont-Ferrand, conjointement réunie avec celle du Naturaliste, l’Abbé Jean-Baptiste Croizet (1787-1859) curé à Nescher près d’Issoire.

 

À partir des travaux de Jean Gaudant : «Révision de Prolebias stenoura Sauvage, 1874, du Stampien (Rupélien) de Limagne (centre de la France), espèce type du genre Prolebias (poisson téléostéen, Cyprinodontiforme», on détermine trois principaux groupes. Les plus anciens fossilisés des marnes seraient à rapporter à la série oligocène, ceux de lagunes saumâtres au rupélien, appelé aussi stampien (période géologique remontant de 33 millions à 23 millions d’années). Annie Bauchard «Revue des Sciences Naturelles d’Auvergne 1959», situe au stampien ceux de Corent, découverts dans une lagunaire à affinités marines en raison des dépôts de gypse.

 

La découverte du gisement de Joursac, en 1834, alerta la communauté de savants et de naturalistes auvergnats qui feront soit des études approfondies, soit des courtes citations. On cite : le frère Joseph Héribaud, l’apothicaire aurillacois Jean-Baptiste Ramès, Ferdinand Fouqué membre de l’Académie des Sciences, Marcellin Boule Professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle, Antoine Laubry, le marquis Gaston de Saporta, A Lauby, F. Fouqé, l’Abbé Roger Rey, Suzanne Durand, Jean Pagès-Allary, Aimé Rudel, Hubert Vuittenez. Ce trésor de paléontologie végétale compte 75 espèces donc 25 familles différentes, les échantillons sont déposés au Musée Ramès d’Aurillac.

 

À ma connaissance, le gisement de Joursac n’a pas fait l’objet de récentes recherches. Pour avoir sommairement inventorié le site de Valjouze, une évidence s’impose : il dissimule encore quelques beaux et ténébreux spécimens paléontologiques et paléobotaniques. De quoi offrir des espérances aux futurs chercheurs… dotés d'une grande patience.

 

Essais de lecture géologique des paysages :

 

Les promeneurs qui parcourent le Cantal ont parfois du mal à considérer que chaque sommet a été émis par des volcans. Tentons de résumer la genèse évolutive paysagère de la contrée de Valjouze. Au premier regard, nous sommes face à des reliefs montagneux herbeux et boisés qui sont consécutifs au volcanisme cantalien. Cette ligne d’horizon paysagère s’intègre à ce territoire cantalien, qui apparaît au loin comme une limite entre la terre et le ciel.

 

Cette région est constituée de coulées qui se recoupent et qui en superposent d’autres. Elles forment des escarpements provenant pour la plupart d’inversions de reliefs. En effet, les coulées qui sont aujourd’hui en haut, occupaient antérieurement les points bas des reliefs. En somme, ces paysages élaborés et organisés ont été dominés par une érosion relativement différentielle selon la nature et la résistance des roches.

 

À partir de Valjouze, face à soi, au premier plan, se dessine une dépression structurale du «Trou de l’Enfer». Elle est entourée par des coulées sur le versant Ouest ainsi que sur son versant Est. À mi-parcours de la pente Ouest, la coulée en se figeant, dressa une corniche de plusieurs mètres. Quant au versant Est, la déclivité est plus atténuée et plus ouverte. Les coulées de laves ne se sont pas rejointes et n’ont donc pas pu remplir les reliefs en creux du lac fossile. Quelles furent les formations géologiques qui arrêtèrent les progressions des coulées, Ouest et Est ? S’agit-il d’un relief de roches cristallines ou bien encore un comblement lacustre qui aurait pris place suite à l’érosion du socle primitif ? Ces incertaines modélisations différentielles suscitent des questions…

 

Un grand nombre de carapaces volcaniques recouvrent les reliefs cristallins originels érigés suite à la collision de la chaine hercynienne à l’ère Primaire, du carbonifère au permien. Par ce fait, le volcanisme a ainsi déterminé les paysages actuels du Cantal. Sans cela, il aurait été sans escarpements tranchants, sans plateaux ni sommets, mais juste une pénéplaine (un large espace avec de faibles dénivellations) qui aurait subi des érosions successives accentuées par des glaciations.

 

Sortons un peu de l’étude géologique fondamentale pour une approche  compendieuse de la lexicographie des noms des lieux de cette vallée, ainsi que l’analogisme fait par nos anciens.

 

Si l’on se réfère à la mythologie antique, pourrions-nous avoir une approche violente à la dénomination du nom «Trou de l’Enfer» ? Prenons la décomposition du nom : «trou=gouffre» et «enfer=pandémonium, abîme», cela signifierait que ce lieu pourrait être symbolisé comme une capitale de l'Enfer, avec ses rives de lave qui mettent à l'abri d'un problème abyssal.

 

Les symptômes de trypophobie «peur des trous» associés à ceux de thanatophobie «selon E. Kant, frayeur de l’angoisse et de la Mort», peuvent-ils provoquer une charge émotionnelle et modifier ainsi les sens cognitifs ?

Cela apporterait peut-être un éclairage à la légende urbaine selon laquelle des scientifiques qui ont réalisé un forage de 15 Km de profondeur pour étudier le mouvement des plaques continentales sous la surface terrestre, auraient  découvert l'enfer. Un article dans le Weekly World, du 24 avril 1990, évoque les hurlements de douleur de milliers de damnés qui auraient été enregistrés par un micro et un capteur de vibrations sonores connecté à un enregistreur en surface. Selon le journal, le fait aurait été soigneusement enterré dans le silence des médias de l’Est.

 

En guise de conclusion :

 

Selon le «Guide du Voyageur dans le Département du Cantal (1860)» d’Henri Durif, le nom de Valjouze proviendrait de vallis-jocosa qui signifierait « vallée de la joie ». Les raisons seraient dues aux retentissements du cri du pâtre, des chants des alouettes, des clochettes des troupeaux,  qui seraient plus importantes qu’ailleurs.

 

Dans cette vallée joyeuse, les sonnailles harmonieuses sont pour l’éternité en opposition aux silences morbides, pesants et oppressants de la représentation que l’on peut faire du «Trou de l’Enfer». Lorsque apparaît à la tombée du jour les résonnances caverneuses des craquements des arbres et du bruissement de leurs feuilles, les âmes égarées se laisseraient emporter par les sonorités sataniques… et terrifiantes… Qu’en avaient exhumé les anciens au sens littéral, de ces supplices des damnés…? Ne semblaient-ils pas accepter une forme d’Enfer campagnard dans ce coin de France rural, aux forteresses montagneuses réputées infranchissables pendant ces longs mois d’hiver inhospitaliers… ?

 

Vue du haut du ravin de Valjouze photo Guy PEGERE avec bordure.jpg

 

Un dernier questionnement : les bouleversements géologiques du Trou de l’Enfer et de la vallée de Valjouze auront-ils influencé l’homme dans ses toponymes ? Et quels furent les phénomènes perçus… entendus… par les anciens pour qu’un nom aussi mystique ait pu être donné... «le Trou de l’Enfer»

 

Guy PEGERE

Membre de la Société Géologique de France

Brioude décembre

 

Nota :

Maar*, mot allemand ne prenant pas de pluriel.

 

De retour sur le gîte d’antimoine de Valjouze en 1985, le «Trou de l’Enfer» en partie ennoyé d’une lacunaire artificielle.